lundi 4 février 2013

Cinq mois !


 Voilà cinq mois que Béchir Ameur et un groupe de villageois originaires d'El-Frine Boutella Abdallah (Wilaya d'El-Tarf) ont été arrêtés et jetés en prison. Leur crime ? Avoir construit un mur. Pas n'importe quel mur : un mur en travers de la Route Nationale 44 qui relie El-Kala à Annaba. Et pas pour n'importe quelle raison : ils entendaient ainsi protester contre l'état de saleté et d'abandon dans lequel se trouvait leur village, un village modèle édifié en 1974, dans le cadre de la Révolution agraire, et oublié depuis des autorités.

Aucun procès n'est encore en vue. Les autorités (en l'occurrence le Sous-préfet, le véritable responsable de la situation) s'en est lavé les mains en transmettant le dossier à la Justice, laquelle ne semble pas pressée de juger les protestataires : il y a tellement de raisons d'atermoyer et de jouer le pourrissement de la situation !
Il faut savoir que les Algériens n'ont pas l'habitude des luttes sociales car le pouvoir est trop puissant et une  répression féroce (on l'a vu en janvier 2011) attend la moindre velléité de contestation. Il faut accepter et se taire, sinon gare!

L'érection du mur d'El-Frine, il faut le savoir, n'a pas été un acte spontané : elle a été l'aboutissement d'un long processus de pourrissement et le village pilote de la Révolution agraire était devenu une véritable poubelle. Les citoyens, habitants du village, l'Association pour la défense de l'environnement et même de glorieux anciens moudjâhidine, avaient manifesté à plusieurs reprises, organisé des barrages sur cette même RN 44, depuis avril 2012. On les avait fait marcher parce qu'on organisait les élections législatives, le mois de Ramadan,  l'anniversaire de l'indépendance, la commémoration du déclenchement de la Guerre de Libération... Ce n'était jamais le moment de s'occuper de leurs égouts, de leur éclairage, de leurs poubelles ou des ornières de leurs rues. Alors ils ont opté pour l'image la plus symbolique de leur détresse: celle d'un mur, pour répondre au mur d'autisme, d'indifférence  et de mépris dressé par les autorités du pays...

Aujourd'hui, cela fait donc cinq mois que ces hommes dorment en prison... Pour un simple barrage contre le mépris, l'indifférence et la saleté.

Il est instructif de savoir que parmi les manifestants et les soutiens des "rebelles" se trouvaient des anciens combattants de la guerre de libération  qui avaient fait le serment de mourir plutôt que de vivre sous le mépris du colonialisme, la non reconnaissance de leurs droits et  l'écrasement de leur dignité...
Les temps ont bien changé, il faut croire ! Mais gare à l'arbitraire et au vertige du pouvoir absolu ! L'histoire est faite de gens qui se croyaient indispensables, tout-puissants, hors d'atteinte de la Main de Dieu.